10 stratégies pour échouer en compréhension orale

compréhension orale

En compréhension orale, même les plus grandes oreilles au monde ne vous aideront pas si vous gardez de mauvaises habitudes… Vous l’aurez compris : dans cet article je vous propose d’examiner les stratégies qu’il faut absolument éviter en compréhension orale.

Ces mauvaises stratégies sont nombreuses et ce serait trop long de toutes les présenter. J’ai donc sélectionné celles que j’observe le plus souvent dans mon activité d’enseignant de français langue étrangère. Ces remarques valent bien entendu pour toutes les langues.

Pour aller plus loin, je vous invite à découvrir dans mon livre Ecoute le net ! les meilleures stratégies pour la compréhension orale en français langue étrangère.

1. Se trouver nul en compréhension orale

Ce n’est pas vraiment une stratégie, mais le contraire oui ! Dans notre langue maternelle, il nous arrive régulièrement de ne pas comprendre. Par exemple, lorsque nous écoutons une chanson dont l’interprète ne prononce pas clairement certaines paroles ou une personne qui parle l’accent d’une autre région. Nous considérons ces phénomènes comme banals : nous n’en concluons pas que nous sommes nuls en compréhension orale ! Pourtant, quand il s’agit d’une langue étrangère, les erreurs sont acceptées moins facilement et nous avons tendance à sous-estimer notre niveau. Vous devez donc commencer par croire en vos capacités. Il n’y a pas de bon ou de mauvais auditeur « par nature ». Tout le monde est capable d’adopter des stratégies efficaces. Il suffit de les connaître et de les pratiquer.

2. Se tester tout le temps

Comme beaucoup de monde, vous vous entraînez peut-être à la compréhension orale en faisant des quiz sur Internet. On clique les réponses et on obtient immédiatement un score : c’est rapide et ludique, un peu comme un jeu vidéo. Le problème, c’est qu’en répétant les mêmes types d’exercices — et les mêmes erreurs de technique — on a peu de chance de progresser. Pourquoi travailler la compréhension orale uniquement sous forme d’évaluation ? Est-ce qu’un footballeur passe tout son temps à jouer des matches ? Non, en fait il consacre beaucoup de temps à des exercices qui n’ont pas de relation directe avec le football, mais qui vont lui permettre de mieux jouer. Donc, il faut d’une part varier les activités et… la lecture de cet article est déjà un bon début ! D’autre part, accordez plus d’attention au processus (comment écouter) qu’au résultat (le score). Autrement dit, ce n’est pas la bonne ou la mauvaise réponse qui sont importantes, c’est d’essayer de comprendre comment elles sont obtenues. Un entraînement régulier aux bonnes stratégies est ainsi fortement conseillé.

Ce n’est pas la bonne ou la mauvaise réponse qui sont importantes, c’est d’essayer de comprendre comment elles sont obtenues

3. Être multitâche

L’individu multitâche est un mythe. On prétend réviser ses cours en écoutant de la musique en chattant avec un ami en faisant dérouler son fil Instagram en… En réalité, le cerveau ne fait bien qu’une seule tâche à la fois. Dans notre langue maternelle, la compréhension est en grande partie automatique. En revanche, écouter une langue étrangère exige une grande concentration, et pas seulement pendant l’écoute. Avant, vous anticipez le contenu du document et vous vous concentrez sur l’objectif. Entre 2 écoutes, vous vérifiez vos hypothèses. Après l’écoute, vous vérifiez votre compréhension… Bref, pour réussir une activité de CO, il faut rester concentré et actif à toutes les étapes. Alors, ne vous laissez pas distraire par les notifications sur votre smartphone et coupez-vous du monde du début à la fin de l’activité. Prévoyez des séances de courte durée, mais entièrement consacrée à la tâche de compréhension orale.

4. Apprendre du vocabulaire uniquement à l’écrit

Cela vous est déjà arrivé probablement, comme à tout le monde : après l’écoute, vous lisez la transcription du document et vous vous exclamez  « oh, mais je le connaissais ce mot-là ! » C’est un problème qui s’explique assez facilement. D’une part, nous avons tendance à apprendre un mot d’une manière isolée, sans phrase d’illustration. Quand nous le rencontrons à l’oral, nous n’arrivons pas à le distinguer, surtout si sa prononciation est modifiée par son environnement (comparez par exemple l’adjectif autre et dans un autre établissement). D’autre part, lorsque nous voulons apprendre un mot nouveau, nous l’écrivons dans un carnet et le relisons mentalement (dans notre tête). En français, nous avons tendance à préférer une mémorisation visuelle, car l’orthographe est très problématique. Or, pour s’améliorer vraiment en compréhension orale, il faut prendre l’habitude de mémoriser le vocabulaire aussi sous sa forme orale. Il sera alors plus facile de le reconnaître. Pour cela, vous pouvez le réécouter plusieurs fois, par exemple dans un dictionnaire en ligne, et le répéter pour vous à voix haute.

5. Regarder un film avec des sous-titres en langue maternelle

Vous êtes motivé aujourd’hui et vous avez décidé de regarder un film français en version originale (VO). Mais comme ils parlent un peu vite, vous mettez les sous-titres dans votre langue maternelle. Au début, vous essayez d’écouter les dialogues, vous regardez les sous-titres d’un œil, puis des deux. Au bout de quelques minutes, vous vous apercevez (ou non et c’est bien là le problème !) que vous n’écoutez plus, car c’est impossible : vous êtes passé à la compréhension écrite. C’est utile aussi… mais ce n’était pas votre objectif ! Et à ce régime, vous ne ferez pas beaucoup de progrès en compréhension orale. Visionner un film en version originale sous-titrée (VOST) est une activité excellente, mais seulement si les sous-titres sont aussi en langue originale. À partir de là, de nombreuses techniques sont possibles. Vous pouvez commencer par voir un passage sans sous-titrage pour essayer de comprendre le maximum, puis mettre les sous-titres pour vérifier ce que vous avez compris. Vous pouvez également écouter et lire en même temps pour vous entraîner à reconnaître les mots sous leur forme orale, etc.

6. Choisir un sujet totalement inconnu

Si j’écoute deux physiciens parler, même en français qui est ma langue maternelle, du fameux Boson de Higgs, je ne vais certainement rien comprendre. Ce n’est pas un problème de compréhension orale, mais de connaissances. En effet, le sens d’un message n’est pas donné par la personne qui parle à un auditeur qui le reçoit passivement. Non, c’est l’auditeur qui construit le sens en comparant le message avec les connaissances qu’il a déjà dans sa mémoire. Autrement dit, comprendre c’est en grande partie reconnaître. Conséquence : nous comprendrons mieux un document sur un sujet que nous connaissons déjà bien. Les difficultés en compréhension orale viennent souvent d’un manque de connaissances. Il est donc conseillé, surtout au début, de s’entraîner à la compréhension orale sur des sujets que vous maîtrisez. Lorsque vous souhaitez aborder un thème nouveau pour vous, vous pouvez par exemple commencer par lire un article, même dans votre langue maternelle, pour développer vos savoirs. Vous verrez que l’écoute sera moins difficile.

Le sens d’un message n’est pas donné par la personne qui parle à un auditeur qui le reçoit passivement

7. Écouter sans but

Les activités traditionnelles de compréhension orale ne sont pas vraiment authentiques. On vous demande d’écouter pour… répondre aux questions. Or, dans la « vraie vie » — et vous apprenez sans doute le français pour l’utiliser dans la vraie vie — on écoute toujours pour une bonne raison. Par exemple pour se divertir (regarder un film…), pour s’informer (chercher des endroits à visiter pour les prochaines vacances), pour agir (regarder un tutoriel pour apprendre à se maquiller…), etc. Commencez donc par vous fixer des objectifs réalistes qui correspondent à vos besoins. Si vous allez suivre des études de chimie en France, vous devrez comprendre des cours magistraux dans cette matière. Non pas pour répondre à un quiz, mais pour noter, par exemple, les résultats d’une expérience. Vous trouverez sûrement ce type de cours sur Internet pour vous entraîner à des tâches aussi proches de la réalité que possible. Bien entendu, vous pouvez très bien écouter du français pour le plaisir — un livre audio ? — et c’est même recommandé ! L’important est d’avoir un but et de ne pas le perdre en route.

8. Essayer de tout comprendre

Mettons que vous prévoyez un pique-nique en bord de mer samedi prochain et que vous écoutez un bulletin météo. Est-ce que vous allez faire une compréhension détaillée de toutes les températures dans toutes les villes et pour tout le week-end ? Non, vous allez certainement adopter une écoute sélective pour repérer l’information qui vous concerne directement : est-ce qu’il risque de pleuvoir sur mon pique-nique ? En revanche, si vous voulez cuisiner une paëlla pour vos amis, vous allez choisir une bonne vidéo de recette, noter tous les ingrédients pour les courses et vous allez revoir plusieurs fois la préparation pour la mémoriser. Le niveau de compréhension d’un document dépend donc de l’objectif d’écoute. Pour l’atteindre, on a rarement besoin de tout comprendre. Par ailleurs, pour progresser dans une langue étrangère, il faut apprendre à tolérer l’inconnu, c’est-à-dire accepter de ne pas tout comprendre. Par exemple, si vous lisez la transcription d’un document après l’écoute, n’allez pas chercher tous les mots nouveaux dans le dictionnaire, c’est inutile et vite décourageant. Occupez-vous uniquement du vocabulaire qui était indispensable pour atteindre l’objectif d’écoute.

Le niveau de compréhension d’un document dépend de l’objectif d’écoute

9. Écouter sans se poser de questions

En classe, c’est l’enseignant qui appuie sur les boutons lecture et pause, ou qui fait des retours en arrière. Son travail est de guider le groupe dans la construction du sens. En effet, nous l’avons vu, le message n’est pas donné par la personne qui parle à la personne qui écoute. En autonomie sur Internet, si vous regardez une vidéo sur YouTube par exemple, il ne suffit pas d’appuyer sur le bouton et d’attendre que le sens arrive tout seul. C’est à vous de prendre les commandes, car pour comprendre il faut être très actif. Une compréhension orale, c’est un grand remue-méninges (brainstorming). Il s’agit de repérer les informations utiles, de les comparer avec nos connaissances antérieures et d’interpréter les passages difficiles. En même temps que nous construisons le sens, nous devons tout le temps contrôler s’il est logique avec la situation de communication. Par exemple, au restaurant, si en entendant le mot « carte », vous comprenez que le serveur veut jouer avec vous *, il y a un problème que vous devriez détecter immédiatement grâce au contexte.

* De nombreux mots, comme « carte », ont plusieurs significations différentes : carte des plats, carte à jouer, carte de visite, carte géographique, etc. C’est le contexte qui permet alors de déterminer le sens. D’où l’utilité de faire une première écoute globale pour identifier la situation de communication et réduire ainsi les possibilités d’interprétation.

Une compréhension orale, c’est un grand remue-méninges

10. Ne pas apprendre de ses erreurs en compréhension orale

Pour beaucoup d’étudiants, un bon livre, c’est un livre avec plein d’exercices. Quand on a fait 10 pages de questionnaires dans l’après-midi, on a l’impression d’avoir bien travaillé, on est content. Après 6 mois de ce régime, on se trouve toujours aussi nul en CO (voir « stratégie » 1). Et c’est normal. Lorsque vous avez écrit un texte en classe, vous lisez les corrections et remarques de l’enseignant. Vous constatez par exemple que vous devez revoir la conjugaison de l’imparfait. Pourquoi est-ce que ce serait différent pour la compréhension orale ? Une activité d’écoute devrait toujours se terminer par un bilan, même rapide. La meilleure ressource pour cela, c’est la transcription. Après avoir répondu aux questions, ne regardez pas tout de suite le corrigé, mais prenez un peu de temps pour chercher vous-même dans le texte les réponses que vous n’avez pas trouvées. Puis, essayez de comprendre la cause de vos erreurs : vous ne connaissiez pas le mot ? Vous connaissiez le mot, mais vous ne l’avez pas reconnu ? Vous n’avez pas eu le temps de noter l’information, parce que vous avez essayé de traduire mot à mot ? Vous verrez qu’avec un peu d’analyse — à la fois sur le contenu du document et sur vos stratégies — vous pourrez comprendre la plupart de vos erreurs et trouver des solutions pour vos prochaines activités d’écoute.

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À vous !

Ces 10 mauvaises stratégies ne sont pas les seules à éviter pour progresser en compréhension orale. En connaissez-vous d’autres ? Je vous invite à compléter la liste en postant un commentaire.

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12 Comments

    Catherine

    Merci Stéphane, vos remarques sont très claires et je les approuve à 100%. Merci de me/nous rappeler les règles de la CO pour mieux aider mes/nos apprenants.

      Stéphane

      Merci Catherine !

    DAO ANH HUONG

    C’est vraiment super, Stephane. J’ai bien lu tes dix regles d’or de la comprehension orale. Toutes ces strategies excellentes aideront non seulement les apperants mais aussi les enseignants qui assument l’entrainement au Delf/Dalf. En plus, en tant qu’examinateur actuellement, je constate que les candidats sont moins assidus, moins munis de bonnes techniques et donc moins competents. Pourtant les sujets sont plus faciles et les themes restent les memes. Mais en realite, on ne peut pas nier que la CO est la competence la plus difficile a acquerir, c’est pourquoi je te remercie beaucoup de ces recommandations.
    Il existe plusieurs methodes d’entrainement aux Delf/Dalf, mais depuis que j’utilise les tiennes, mes etudiants obtiennent de plus en plus de bonnes notes, c’est surement grace a toi partiellement.

      Stéphane

      Merci Anh Huong et bon courage pour tes cours. C’est en effet de plus en plus difficile 😉

    Rachel Roulin

    Merci beaucoup cher Stéphane!!
    Je constante que, comme à votre habitude, vos conseils ont été longuement mûris et réfléchis. Je partage complètement vos observations et réflexions. Merci encore!!

      Stéphane

      Merci Rachel !

    Ian

    Merci Rachel. Vos conseils sont très utiles. Puis-je vous poser une question? Quand j’écoute un extrait long, souvent je comprends bien le contenu mais j’ai tendance d’oublier les détails. Un test de compréhension orale est pour moi donc un test de memoire autant qu’un test de compréhension. Vous avez des conseils dans ce domaine?

      Stéphane

      Bonjour Ian,
      d’abord, il vaut mieux écouter avec un objectif précis. Avez-vous besoin de comprendre tous les détails dans le document ? Sans doute pas. Pour les détails qui sont nécessaires pour votre objectif, je vous conseille de les noter pour ne pas les oublier. Avant l’écoute, préparez une feuille de réponses (tableau, schéma…) et quand vous entendez une information importante, notez-la aussitôt sur cette feuille.

    Neira

    Excellents conseils, Stéphane, merci pour contribuer a notre tache d’enseignant(e)

      Stéphane

      Un grand merci Neira !

    Luminita

    Bonjour, merci pour cet article bien utile et interessant.
    J’ai quand même une petite objection au point 5 : je ne jetterais pas la pierre aux sous-titres en langue maternelle. Je trouve, au contraire qu’ils sont forts utiles (avec des exemples à l’appui) ?

      Stéphane

      Bah justement on aimerait bien entendre un exemple 😉

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